Témoignage : « Mais si tu savais le don de Dieu ! »

Témoignage bouleversant d’une jeune femme atteinte d’une maladie dégénérative et dont le père vient de se faire euthanasier.

« Très chers lecteurs,

Remplie de douleur et de colère, je viens vous confier mon cri et mes larmes. Mon papa, J. s’est fait euthanasier mi-novembre dernier, dans sa maison en Belgique. Il a voulu mourir après 16 ans d’une maladie génétique neuro-dégénérative. Je suis d’ailleurs moi-même atteinte de la même maladie dont les symptômes ont commencé à se manifester il y a 10 ans. Ma maladie me grignote. Je perds la vue, l’équilibre et la parole jusqu’à une mort rapide ou lente, quand et comment ? Incertitude totale.  J’ai aujourd’hui 27 ans.

Dans les lignes qui suivent, j’aimerais vous livrer mon témoignage pour vous interpeller, comme je l’ai violemment été. Nous sommes anesthésiés. J’ai besoin d’être soutenue dans mon OUI pour la vie.

Cette ouverture du cœur ne sera peut-être qu’une goutte d’eau, mais elle aura eu le mérite d’être POUR Jésus, POUR l’Amour et d’être aussi une flamme de Vie et d’Espérance dont on a TOUS tant besoin. Au cœur des ténèbres, la Lumière est toujours plus forte !

Oui, mon cœur saigne.
Papa, ma famille, l’Église… tellement de coups !

A travers mes joies et mes peines, à travers mes combats parfois intolérables, j’ai en moi une soif immense de vivre… Découvrir et goûter que je suis une fille tant aimée du Père, quelle libération, quelle paix et quelle joie saintes.

Comme de nombreux enfants, jusqu’à mes 11 ans, j’ai beaucoup reçu. Par après, j’ai fait mon chemin seule dans la foi. Tant au niveau familial (4 frères et sœurs et ma maman) qu’amical, les provocations sont très nombreuses (Lc 12,51-53). Ces confrontations, souvent épuisantes et régulières, ont eu le mérite de maintenir ma foi vivante et de faire du Christ mon plus grand confident, ma Lumière et mon Espérance.

Tant de fois, je demande à Jésus de transformer tous mes jugements en Amour (Luc 6,37). Je ne sais que trop comme le désespoir peut être grand et puissant.

Aussi, souvent, je crois, les « médecins » qui recourent à l’euthanasie sont animés d’un désir d’amour, d’écoute et de respect. Mais la mort n’est pas une solution. Ne devrions-nous pas justement être un témoignage d’espérance et de vie ? Croire qu’un chemin est toujours possible ! La résurrection nous le montre.

Avant la demande d’euthanasie de mon papa, j’étais comme la plupart des catholiques : je faisais partie de ceux qui ne sont ni pour ni contre car, « il faut respecter le choix de chacun, ne pas brusquer ». Aujourd’hui, l’ayant vécu de près, je rejette ce compromis et cette fadeur d’antan. Cette tolérance me glace !

Oui, la souffrance est souvent si dure et intolérable, et personne n’est épargné ! Mais la Croix, toute la Passion nous montre une invitation réelle à l’accueillir ! Jésus, la sachant, n’a rien rejeté…

Aujourd’hui, l’euthanasie m’apparaît comme un horrible crime. Et c’est sans doute de là que naît ce désir de faire bouger les choses, de secouer les cœurs endormis comme le mien a été réveillé. C’est trop important !

Vous savez, depuis le déclenchement de ma maladie, je me bats à chaque instant pour choisir de vivre, choisir de croire, choisir d’aimer. Tant de fois, je tombe et n’y arrive pas. Le désespoir, le découragement, les peurs, l’orgueil sont tellement présents… La vie est un combat quotidien. C’est si dur de choisir de croire, de choisir d’aimer ! CETTE AUDACE DE LA VIE !

Oui, ce chemin de Dieu est parfois si escarpé, exigeant et difficile à rechoisir. Mais il est tellement rempli d’Espérance, de Foi et d’Amour, qu’en m’abreuvant à cette magnifique source de Vie, je ne peux me taire.

Jour après jour, je dégénère… Quand le verdict est tombé, quel désespoir ! À 17 ans, avec une immense soif de vivre, tant de rêves… Tout s’effondrait. Comme si tout le monde avançait tandis que, pour moi, il n’y avait qu’un gros boulet qui me tirait dans le vide, et rendait tout impossible. Aucun traitement… L’avenir m’était totalement non-planifiable !

C’est ici que mon amitié avec Jésus et toute mon histoire jusqu’à aujourd’hui, m’ont appris petit à petit à offrir tout cela, à mettre tout l’Amour que je peux dans ce quotidien, parfois si difficile. J’apprends à vivre ma vie avec Jésus.

Remplie de Paix, d’Amour et d’Espérance, j’apprends à savourer ces petits bonheurs simples, donnés et tellement indispensables… Je ris, serre dans mes bras, je pleure, je prie, j’espère, je partage, J’AIME ! Ainsi, plus je « dégénère » et sens la vie « objectivement » s’échapper, plus je me sens VIVRE… La vie, c’est peut-être tout simple, en fait !!! LE regarder et L’accueillir TEL QU’il se révèle est une telle libération et consolation.

La question finalement n’est peut-être pas tant de trouver une solution à la souffrance, car il n’y en a peut-être pas. Poser ce geste de mort par euthanasie n’est pas une solution. Ce n’est qu’un refus total de la réalité et surtout un refus total du secours des autres, du secours de l’Autre, Dieu.

La seule chose alors que j’ai sans doute à faire, c’est d’accueillir cette vie et la rendre la plus belle possible ! Je ne peux éviter de souffrir, mais je peux décider du COMMENT VIVRE cette souffrance. Dans l’accueil de la Croix, Jésus me le témoigne.

Seule, je n’y arriverai pas ! Une croix ne se porte pas seul ! Jésus lui-même nous l’a montré. J’ai besoin, on a TOUS besoin, d’être entourée et accompagnée.

Nous avons besoin de pasteurs enracinés dans l’Amour ET la vérité, de guides confiants qui nous rappellent qu’un chemin est possible et qui nous invitent à laisser Dieu nous transformer. Jusqu’au dernier souffle, Dieu peut nous transformer !

Le médecin qui a injecté le produit létal à papa s’est comparé à « Marie au pied de la Croix ». Mensonge qui me révolte. Contemplons Marie, sa compassion a beaucoup à nous apprendre. Ce médecin, utilisant le « label » catholique, diffuse sa tromperie par monts et par vaux.
Comment au nom de l’Amour, de Dieu, comment autant de mal peut-être répandu ?!
Comme il est tentant d’entrer dans son désespoir et de croire que la seule solution, c’est, en effet, de tout arrêter… Aujourd’hui, je voudrais crier au monde : « Arrêtons de croire que la seule solution à la souffrance, c’est se donner la mort ! » .

Avec tout ça dans le cœur, mon père a demandé l’euthanasie. Vous imaginez mon incompréhension et ma profonde colère. Vous imaginez le chemin de prières, d’espoir, d’Amour mais aussi de combats intenses qui a commencé il y a 16 ans et qui s’est particulièrement intensifié au cours de ces deux derniers mois.

La mort sur commande et organisée à la seconde près de mon père m’a traumatisée, d’autant plus que cela était perçu comme presque normal et accepté pour tant de monde, tant de mes proches. Souhaitable même parfois…

Après seulement quelques rencontres, le médecin « catholique » a aidé Papa pour son « suicide », la pièce de théâtre pouvait commencer. Ça ne choquait personne…

Le dimanche, nous avons passé la journée en « famille ». Le lundi, il était seul toute la journée et le soir on (nous avec maman) le retrouvait pour son dernier repas et pour passer la nuit sur place. Le mardi, nous avons eu un temps d’échange avec les deux médecins « catholiques » et le prêtre de la paroisse. Tous les 3, à 13h., sont ensuite montés dans la chambre de papa pour l’euthanasier. Maman, mes frères et ma sœur et moi-même sommes restés en bas. Cette mascarade de 3 jours, parfaitement orchestrée par quelques catholiques et qui ne choquait personne, m’a tellement terrorisée. On va piquer un chien… Non, c’est une personne, c’est un enfant de Dieu !

En lui disant au revoir avant qu’il ne monte dans sa chambre se faire euthanasier, je pleurais tellement. J’avais dans le cœur en continu : « Si tu savais le don de Dieu… »

Quand je l’ai vu mort sur son lit, j’ai eu des nausées, je criais, je pleurais si fort… « Il l’a fait ! », « il a piétiné Jésus… », « Seigneur, pardonne-leur, ils ne savent pas ce qu’ils font ! ». Parfois, je pense que mon cri et mes larmes étaient mélangées aux Siennes…

A présent, à la grâce de Dieu, je suis très bien entourée et je peux goûter à la force de la prière et des amitiés profondes et ancrées dans le Christ… La Lumière est toujours plus forte !

Mais je dois reconnaître mon grand désarroi face à certains catholiques belges… La fadeur et l’ignorante tolérance souvent « au nom de l’amour » de certains me laissent bouillonnante de révolte.

Suis-t-on le Christ ou le « monde » ?

Il s’agit de dire et redire, comme l’a fait récemment le Pape, que se dire catholique et pratiquer l’euthanasie est absolument INCOMPATIBLE. C’est le devoir de chaque chrétien. Et les soignants et les visiteurs des malades devraient en être convaincus.

L’Eglise ne devrait-elle pas être un vrai témoin de l’Espérance du Christ ?

Comment est-ce que je ferai, moi, quand je deviendrai encore plus dépendante, que j’aurai encore plus besoin de tout ce corps médical et aussi spirituel ? Comment je ferai si je ne trouve que des personnes fades et désespérées et qui pensent que ma seule issue c’est la mort ?

Protégez-moi, soutenez-moi, pour que toujours mon OUI à Jésus soit au cœur de ma vie.

Merci d’avoir écouté mon cri du cœur.

Claire D. »

4 commentaires sur “Témoignage : « Mais si tu savais le don de Dieu ! »

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  1. Extraordinaire et bouleversant témoignage, merci de nous l’avoir partagé ! Je le partagerai, moi aussi, c’est un tel appel à changer nos manières « fades » et à réfléchir à ce que nous appelons amour de Dieu. Merci, merci à vous et à Claire !

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  2. Claire, merci !!
    Merci pour ta colère et tes larmes, merci pour ton indignation. Elles sont justes et légitimes.
    Merci de crier ta soif de vie et d’amour. Merci de témoigner de ta confiance en Dieu, en Jésus.
    Quelqu’un de très proche a été aussi atteint d’une maladie neurodégénérative. Malgré la pression des médecins et après des combats intérieurs, il m’a dit : finalement je choisi la confiance en Dieu. Il est mort sans souffrir une dizaine de jours après.
    Claire, merci pour ta prière et ta foi.
    À mon tour, je prierai pour toi.
    Que le Seigneur te bénisse, te garde et te guide continuellement sur ton chemin.
    Do.

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  3. Vraiment impressionnant, votre témoignage ! Merci. J’admire la foi et l’amour qui vous animent. Je les offre au Seigneur, avec vous… A la gloire du Père.
    Si je peux me le permettre, je vous soufflerais simplement de ne pas trop vous faire mal… Vous dites vous-même que vos « larmes coulent sur la joue de Dieu » (Si 35,15) alors, peut-être, pourriez-vous tenter de faire taire votre révolte pour apaiser la souffrance de Dieu…
    Je ne crois pas que votre père ait pu refuser Dieu. Non, mais, c’est la souffrance qui a été la plus forte, tant que vous l’avez vu… Qui pourrait affirmer qu’il n’a pas souri au Christ, quand il l’a entrevu, au moment de son passage ?
    Veuillez m’excuser : je ne veux pas le moins du monde… vous faire la leçon ! Je prie avec vous.

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  4. Merci pour ce témoignage fort qui me secoue. Quelle belle force. Vous me faites penser a Marthe Robin. Que de la haut elle vous envoie toute sa force dans la foi. Le seigneur ne reste indifférent à aucune souffrance humaine. Il faut oser la lui offrir en partage. Portee avec lui, elle prend une autre dimension: une dimension divine. Ce que vous vivez, peu de personne passe par cette expérience, continuer à la partager. Elle portera beaucoup de fleurs.

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